L’interview de Filippo Monteleone, Président Fondateur de CAREIT et ancien DG délégué de Ramsay Générale de Santé, sur le thème des PME et leur accès aux achats hospitaliers.
(extrait de la newsletter #1 : l’interview par Luc Chatel, associé chez Ekkio Capital)
LUC CHATEL : Comment améliorer les relations entre les PME du secteur de la santé et les hôpitaux ?
FILIPPO MONTELEONE : La principale difficulté rencontrée par les PME su secteur de la santé est celui de la concentration. D’une part de la fonction achat qui passe par des centrales de référencement public et, d’autre part, du nombre d’acteurs hospitaliers avec la constitution des GHT qui a engendré un rapport de force entre les petites et les grandes entreprises en défaveurs des PME. Pourtant, dans le secteur français de la santé, les PME locales ont historiquement eu un rôle à jouer dans l’innovation. En adoptant une logique de clusters, elles peuvent co-développer avec les hôpitaux des techniques, brevets et dispositifs médicaux à travers une approche locale.
LC : Comment ces PME pourraient elle accéder plus facilement à la commande publique ? Ne faudrait-il pas un small business act dans le secteur de la santé ?
FM : Il s’agit d’un sujet sensible. On est face à un dilemme : faut-il mieux défendre l’industrie française et plus particulièrement la French Tech ou les intérêts des patients français ? Il y a une vraie volonté des pouvoirs publics de développer les relations avec des fournisseurs français. Sauf que, en face, sur le marché mondial, vont se développer des sociétés qui feront appel à des nouvelles technologies et qui auront des capacités en termes de développement, d’investissement et de R&D, sans commune mesure avec nos PME locales. Et que faudra-t-il choisir ? Les meilleures solutions pour le bien-être de nos patients ou bien les refuser au prétexte qu’elles ne sont pas françaises ? Je ne pense pas que ce soit la meilleure option.
LC : L’innovation est omniprésente dans les PME et start up du secteur santé. Est-elle bien valorisée au moment des appels d’offre par les acheteurs publics ?
FM : Non, car les appels d’offre sont lancés par les centrales de référencement publiques et à ce niveau, c’est le prix qui prime sur l’innovation. De plus, il y a eu, ces dernières années, beaucoup d’innovations lancées sur le marché. Or, bien souvent, ces produits relevaient davantage de l’innovation marketing et ne présentaient pas de
vertus thérapeutiques. La faute incombe aux industriels qui ont survalorisé des innovations qui n’en étaient pas. Aujourd’hui, il y a une forme de retour à la raison, où l’on se recentre sur les vraies innovations santé.
LC : Est-ce que certains pays ont développé d’autres pratiques facilitant l’accès des PME innovantes dans le secteur de la santé aux marchés publics ?
FM : La France est déjà très protectionniste et je ne vois pas de pays qui le soit davantage en Europe. En revanche, dans la plupart des pays émergents, il est impossible de commercialiser un produit sans passer par une joint-venture, la création d’une usine local et un partenariat avec un acteur national. C’est la même chose aux Etats-Unis qui favorisent leur production nationale. Malgré tout, je conseille aux PME françaises qui commencent à grandir de s’exporter car il est très difficile, pour des raisons administratives, légales mais aussi de financement, d’atteindre le statut d’ETI en France, en dépit d’une culture affichée d’innovation.